Il existe une différence entre un trouble alimentaire et un dérèglement des habitudes alimentaires.
Dans notre société où la minceur est valorisée et où l’alimentation fait l’objet de conseils de toutes sortes, se sentir coupable après avoir mangé une part de gâteau est devenu la norme. Ainsi, des personnes, qui ne sont pas forcément en surpoids, en viennent à se préoccuper de leur alimentation, à redouter de prendre des kilos et à enchaîner les régimes. Ce qui les conduit à développer un dérèglement alimentaire à un moment de leur vie.
Quels sont les signes d’un dérèglement des habitudes alimentaires ?
Il est important de les reconnaître afin de rechercher de l’aide avant que le problème ne s’aggrave et ne devienne un véritable trouble du comportement alimentaire.
Les personnes souffrant d’un dérèglement alimentaire :
– Enchaînent les régimes, se focalisent sur les calories ou utilisent des produits « miracles » pour contrôler leur poids
– Pensent constamment à la nourriture et à leur poids
– Gèrent leurs émotions inconfortables en mangeant, même si elles n’ont pas faim
– Perdent parfois le contrôle de leur alimentation
– Deviennent anxieuses par rapport à la nourriture et à leur silhouette
– Se sentent coupables ou honteuses après avoir mangé
– Éprouvent un sentiment d’échec face à leur incapacité à contrôler leur alimentation et leur poids
– Évitent progressivement les situations sociales de peur de devoir manger
– Ont une pratique sportive excessive ou utilisent des techniques de purge dans le but de contrôler leur poids.
Les conséquences d’un dérèglement alimentaire
Essayer de contrôler son alimentation et son poids ne peut mener qu’à l’échec en conduisant progressivement à une prise de poids et à des conséquences psychologiques délétères.
La prise de poids
Les résultats des études scientifiques
Au total, 95 % des personnes soumises à un régime, équilibré ou non, reprendront le poids perdu dans les trois années qui suivent.
De plus, le corps s’adapte après chaque régime rendant la perte de poids de plus en plus difficile.
Mais plus grave encore, les régimes représentent sur la durée un facteur majeur, non pas de perte de poids, mais de prise de poids.
Les raisons physiologiques de l’échec des régimes
À la suite d’un régime, les cellules de l’organisme luttent contre la famine et font tout pour survivre. Il existe donc des mécanismes pour lutter contre la perte de poids qui est synonyme de danger pour notre cerveau.
– un ralentissement du métabolisme basal, ce qui signifie que le corps se met à économiser les calories pour continuer à assurer les fonctions de respiration, digestion… Donc, moins nous apportons de calories au corps, moins il en brûle, ce qui empêche la perte de poids.
– Une diminution de la concentration en leptine, hormone de la sensation de rassasiement.
– La restriction alimentaire est à l’origine d’une augmentation de la sensation de faim et de préoccupations au sujet de la nourriture
– Une diminution de la masse musculaire qui est brûlée pour assurer les besoins énergétiques du corps
Tous ces mécanismes d’adaptation rendent donc la perte de poids durable extrêmement difficile pour la très grande majorité des personnes. Et lorsqu’une personne reprend du poids après un régime, elle se sent coupable, a le sentiment de manquer de volonté et se dévalorise alors que ce sont les régimes alimentaires qui ne fonctionnent pas.
Les raisons psychologiques de l’échec des régimes
Le comportement alimentaire normal ou l’alimentation normale
Un comportement alimentaire normal est déterminé par la reconnaissance des critères internes que sont la faim, le rassasiement et la satiété. La sensation de faim signale le besoin alimentaire, tandis qu’en cours de repas, le rassasiement indique la fin de la prise alimentaire. La satiété correspond à la période durant laquelle, nous n’éprouvons pas le besoin de manger.
Mais les besoins alimentaires ne sont pas seulement nutritionnels. Nous mangeons également en raison du réconfort ou du plaisir que cela procure. Il arrive à tout le monde de grignoter par gourmandise ou pour calmer son stress. Ce besoin est indispensable à la stabilité émotionnelle et affective d’une personne et ne pose pas de problème en soi.
Suivre un régime conduit à manger avec sa tête et à ne plus tenir compte de ses sensations
Ainsi, même si la faim se fait sentir, nous allons résister au besoin de manger. Nous essayons de tenir bon, de ne pas craquer. Il s’agit alors de restriction cognitive : nous tentons de contrôler mentalement notre prise alimentaire afin de ne pas prendre de poids ou pour en perdre. La restriction cognitive ne signifie pas que la personne est au régime, mais simplement qu’elle a l’intention de faire un régime. À partir de ce moment, elle va commencer à adopter des règles qui consistent à classer les aliments en différentes catégories : les aliments qui font grossir et qui sont prohibés ou les aliments qui ne font pas prendre de poids et qu’il faut consommer. La peur de craquer ou d’avoir faim devient constamment présente et la personne surconsomme les aliments autorisés. Le mangeur qui contrôle et restreint son alimentation éprouve de grandes difficultés à laisser des aliments dans son assiette, même s’il sait qu’il a assez mangé. En résumé, cela signifie que nous cessons d’obéir à nos goûts, à nos besoins et à nos envies, pour nous alimenter de manière raisonnée, c’est-à-dire que nous mangeons avec notre tête et non en fonction de nos sensations de faim et de rassasiement qui sont niées.
L’échec assuré
Le fait de restreindre son alimentation et de bannir les produits riches en calories, va activer la faim, mais aussi l’appétence pour ces produits, ce qui conduit à une lutte permanente contre des aliments de plus en plus attirants. La frustration, de plus en plus forte, favorise la perte de contrôle. Et dès lors que nous transgressons l’interdit que nous nous étions fixé et que nous consommons une petite quantité d’un aliment tabou, alors se met en place la règle du « tout ou rien ». « Puisque je n’ai pas respecté mes interdits, il ne sert plus à rien de faire attention. ». C’est ce qu’on appelle l’effet de transgression de l’interdit (Abstinence Violation Effect) : la personne bascule alors dans la perte de contrôle et consomme excessivement ce qu’elle s’interdisait auparavant.
La perte de contrôle n’est pas due à un mécanisme biologique, mais est liée aux croyances de la personne au sujet de la valeur calorique des aliments et non de leur valeur réelle. Si on présente à des personnes en restriction cognitive, avant un repas, un aliment en les informant que celui-ci est très riche en calories, alors ces personnes vont perdre le contrôle, même si dans les faits, l’aliment est peu calorique.
Le cercle vicieux
Ensuite, la culpabilité conduit la personne à tenter de surcompenser ses écarts alimentaires par une privation exagérée. Cette surcompensation est proportionnelle à l’intensité de la culpabilité. Ainsi, la frustration et la culpabilité entravent les mécanismes de régulation et font entrer la personne dans un véritable cercle vicieux.
Progressivement, la nourriture perd le rôle de réconfort qui était le sien, au départ. En effet, le contrôle de l’alimentation empêche de ressentir le bien-être puisque la personne évalue négativement la prise alimentaire, néfaste au poids et la quête du réconfort ne pourra aboutir.
Progressivement, les prises alimentaires sont déclenchées par des facteurs externes tels que des événements provoquant du stress, des émotions positives ou négatives, l’ennui, la fatigue…
Les conséquences psychologiques
Les dérèglements alimentaires conduisent à ressentir de l’anxiété, de la culpabilité, un sentiment d’échec et même à des états dépressifs. Ils diminuent l’estime de soi et peuvent réduire la capacité d’une personne à faire face à des situations stressantes. Ils peuvent représenter la porte d’entrée vers un trouble du comportement alimentaire.
Le traitement des dérèglements alimentaires
Il est possible de sortir de cette spirale infernale qui consiste à alterner les périodes de restriction avec perte de poids et les périodes avec craquages associées à une reprise de poids qui conduisent à voir le chiffre de la balance augmenter régulièrement au fil des années. Cela est faisable, même si vous êtes dans ce piège depuis de nombreuses années. L’objectif de la thérapie est de se libérer du contrôle mental et de retrouver les sensations de faim et de rassasiement qui doivent guider les prises alimentaires.